Samedi 8 mars, journée internationale de la femme. Depuis 1977, les Nations-Unies ont officialisé cette célébration. "Une journée de" afin de dresser un état des lieux, de réfléchir et de définir des priorités sur la condition des femmes dans le monde.
Comment l'homme, cette oppresseur millénaire, peut-il célébrer cette journée ? Ce n'est pas moi qui répondrait (non que je n'ai pas mon idée sur la question) mais Stéphane Laporte, chroniqueur pour le quotidien québecois La Presse. Voici sa chronique.
"C'est aujourd'hui la Journée de
la femme. Voilà. C'est tout. Fin de la chronique. Je n'ose pas aller
plus loin. Parce que je suis un homme. Et l'homme ne sait pas quoi dire
ni comment se comporter, le 8 mars.
Le
14 février, à la Saint-Valentin, c'est facile: on souhaite joyeuse
Saint-Valentin à sa blonde, on lui donne une carte, des roses et du
chocolat. Puis on l'invite à souper. L'affaire est réglée. La blonde est
contente. Nous aussi.
Mais le 8 mars, c'est plus compliqué. D'abord, qu'est-ce qu'on souhaite
aux femmes, aujourd'hui? Joyeuse journée? Bonne femme? Et qu'est-ce
qu'on leur donne? Des fleurs? Du parfum? Un bijou? Pas sûr que ce soit
judicieux. Ça reproduit trop le stéréotype des vieilles relations
homme-femme. Il faut aller au-delà du cliché. Un coffre à outils serait
plus approprié. Une tondeuse aussi. Mais il se peut fort bien que votre
conjointe ne soit pas ravie.
Tout bien réfléchi, il ne faut rien souhaiter. Il faut se taire. Et
écouter. Il ne faut rien donner. Il faut laisser les femmes prendre.
La Journée de la femme est un party auquel l'homme n'est pas
invité. Et ça se comprend très bien. Les femmes se célèbrent entre
elles. On n'a pas d'affaire là. Si on s'en mêle, la Journée de la femme
devient comme la reconstitution de la bataille des plaines d'Abraham.
L'homme est à la femme ce que les Anglais sont aux Français: l'ennemi
qui durant trop longtemps les a empêchées d'être libres. On ne fête pas
la Saint-Jean avec le général Wolfe. On ne fête pas la Journée de la
femme avec un mec.
Qu'on le veuille ou non, nous faisons partie du clan des coupables. Du
clan de ceux qui, durant des siècles et des siècles, ont fait subir des
injustices aux femmes. Tous ces rois, ces papes, ces armées, ces
gouvernements et ces maris obtus. Ils étaient blancs, noirs, jaunes ou
verts, mais ils avaient tous un point commun, ils avaient des couilles.
Comme nous. Voilà pourquoi, le 8 mars, il faut se les rentrer par en
dedans. Avoir la couille discrète.
Nous ne sommes pas habitués à ce rôle effacé. Il y a plein d'hommes qui
protestent contre le 8 mars. Pourquoi une Journée de la femme? Il n'y a
pas de Journée de l'homme! Pourquoi une Journée de la femme? Les
femmes, maintenant, font ce qu'elles veulent!
Eh! Que le mâle a de la misère à comprendre quand Ron Fournier n'est
pas là pour lui expliquer! La Journée de la femme n'est pas dépassée, au
contraire. Ce n'est pas parce que les femmes ont plus de droits
qu'avant que leur combat est fini. L'affirmation des femmes est une
lutte à mener tous les jours. Ce monde est encore un monde d'hommes.
D'Alexandre Le Grand à Oussama ben Laden, c'est la pensée virile qui a
régi les destinées de l'humanité. Et les résultats sont assez tristes.
Alors une journée pour réaliser que les femmes devraient prendre encore
plus de place n'est pas de trop. Parce que, quitte à passer pour un
traître face aux gens de mon sexe, j'ai hâte de vivre dans un monde de
femmes. Un vrai monde de femmes.
Pour occuper des positions de pouvoir, souvent les femmes refoulent
leur sensibilité, effacent leur différence et deviennent des hommes. En
plus joli. Ce n'est pas ce qu'il faut pour que la terre tourne mieux. Ça
prend des femmes qui le sont restées. Des femmes guidées par
l'intelligence du coeur. Ça ne veut pas dire que tous les hommes sont
cons. Mais les hommes sans femmes le sont un peu! Et les femmes sans
hommes sont un peu trop... euh... Je suis mieux de choisir mes mots, en
ce 8 mars. Donc les femmes sans hommes sont un peu trop... girlies. Ça va, girlie? Merci.
Ça prend l'union des deux pour aller plus loin. Le mélange parfait, du
meilleur de l'homme et du meilleur de la femme. Également. Si ça
fonctionne pour faire un enfant, pour créer la vie, ça devrait
fonctionner pour inventer un nouveau monde. À Obama et Hillary de nous
le prouver!
En attendant, tant que les femmes et les hommes ne se partageront pas
le pouvoir également, une fois par année, les hommes fermeront leur
gueule et laisseront les femmes prendre la mesure du chemin parcouru et
du chemin à parcourir. Fin de la chronique."
La chronique de S. Laporte sur La Presse.ca
crédits photo AFP